Le sculpteur africain

Le sculpteur procède en plusieurs étapes. D’abord, il choisit le bois ; mais comme la matière est vivante et que des esprits vivent à l’intérieur, il doit, avant de couper le tronc, faire sacrifice à ces esprits, une offrande, en échange du corps qu’il leur vole.

La fabrication obéira à des prescriptions d’autant plus strictes que l’effigie occupe une place importance sur le plan religieux. Le sculpteur dégrossit le bloc et le divise en masses principales : tête, torse, jambes. Il dégage alors des formes plus précises (par exemple, les éléments du visage) et sculpte les détails. La pièce est ensuite polie, puis noircie ou peinte. La première phase nécessite une hache les trois suivantes l’herminette, la dernière le couteau et un abrasif.

Lorsque la demande est importante, il arrive que le sculpteur soit un professionnel (avec un véritable atelier, des ouvriers, des apprentis), surtout lorsqu’il est amené à fabriquer des objets pour des peuples voisins : cas fréquent qu’on ne le croit et qui comporte des incidences sur les échanges stylistiques. Avec parfois une coexistence concurrentielle ou conjointe : chez les Sénoufos (Côte-d’Ivoire), la création est l’œuvre de deux groupes d’artisans endogames, les sculpteurs (kulubele) et les forgerons (fonobele).

Mais aujourd’hui, le plus souvent l’activité artistique est un second métier, accessoire, toutefois source de revenus dépassant à l’occasion la profession principale, l’agriculture. Les sculpteurs vivent dans le village; pour les objets sacrés, ils exercent leur travail à l’extérieur, à l’écart, loin des femmes qui ne doivent pas voir certaines effigies. Malheureusement, peu de noms de sculpteurs ont été conservés, en raison de l’indifférence presque totale affectée par les Européens qui pillaient les œuvres et qui ne prenaient pas soin de demander qui en était l’auteur. Cependant, l’artiste n’est jamais anonyme (sauf pour des objets très sacrés: l’identité doit alors être cachée). Si l’on interroge les habitants d’un village, tous ou presque, savent qui est l’auteur de telle ou telle œuvre.